Où l’on apprend qu’une idée révolutionnaire demande du temps et de nombreux essais…

Gillette en panne d’idées

Rasoir Gillette Adjustable - Modèle Toggle

La bague de réglage du premier Gillette Adjustable, surnommé Toggle.

Nous sommes dans les années 1960, et Gillette a un problème. Comment faire pour fidéliser ses clients ? Gillette est le plus gros, la plupart des hommes utilise un rasoir de sûreté, mais les lames sont standard depuis longtemps. Ils peuvent donc acheter une autre marque que Gillette…

Gillette a pourtant lancé (ou démocratisé) de grandes innovations dans les décennies précédentes, avec l’ouverture du rasoir de sûreté à papillon en 1937, et la bague de réglage en 1955 (voir ci-contre). Gibbs la proposait depuis les années 1930 en France, mais Gillette l’a apportée dans le monde entier (nous en reparlerons dans ces pages…). Ces innovations facilitaient l’utilisation du rasoir et amélioraient donc le moment du rasage, mais le client pouvait encore utiliser une lame d’une autre marque.

Dans les années 1920, Gillette et d’autres avaient tenté différents designs de lames, qui ne pouvaient s’insérer que dans les rasoirs d’une même marque. La guerre a fait rage quelques temps et Gillette y a laissé des plumes, mieux valait donc penser à autre chose. Quitte à changer le rasoir ! Un électrique ? Non, Gillette a essayé aussi dans les années 1930 avec son « Dry Shaver », et ça n’a pas marché.

Changez-moi tout ça !

Rasoir Gillette Techmatic

Le Gillette Techmatic et sa cartouche à ruban.

Gillette garde alors ce qui marche : une tête réglable, une lame de qualité mais à changer régulièrement. Ils incorporent ensuite de nouvelles idées : un système de cartouche qui permet de ne pas toucher la lame, et un système de rouleau qui permet d’avoir plusieurs lames déjà chargées dans le rasoir, et surtout un système propriétaire qui oblige l’utilisateur à racheter du Gillette…

Le Gillette Techmatic est né ! La lame est une fine bande de métal enroulée dans la cartouche. Quand le tranchant est émoussé, on déroule la bande pour faire apparaître une nouvelle partie du ruban, et c’est reparti. Quand le ruban est totalement déroulé, en enlève la cartouche et on en clipse une nouvelle. Selon les recharges, une cartouche permet 5 à 10 rasages. Pour la petite histoire, pas moins de 4 brevets différents de « rasoir à bande » existaient déjà avant le Techmatic !

Collection de rasoirs anciens à bande.

De gauche à droite : le Wanie « Rollband », le Reel Watch Razor, le Razor Six et le Warner-Hudnut « Reelshav »

Malheureusement pour Gillette, et malgré un démarrage intéressant le Techmatic ne rencontre pas le succès escompté. En effet en 1966 Shick sort un rasoir similaire nommé « Auto-Band » (« Instamatic » en Europe), dont la cartouche est compatible avec le Techmatic, mais pas l’inverse ! En 1968 une nouvelle version du Techmatic sort, l’Orbiter 4000, qui vibre à 4000 tours minute, mais c’est un flop. La American Safety Razor (que l’on connait mieux pour leur marque Personna !) sort une version pour femme, le Flicker. A la fin des années 1960, les chiffres montrent que les rasoirs à bande représentent un tiers des ventes, mais que la plupart des utilisateurs reviennent malgré tout à leur système de lame habituel.

Le public n’était-il pas prêt ? Le rasoir était-il trop complexe à utiliser ? Le tranchant n’était-il pas assez bon ? Le marketing n’était-il pas assez important ? Beaucoup de questions, peu de réponses… Gillette repart alors au tableau noir et les idées se remettent à fuser.

Un rasoir simple, mais révolutionnaire

Paquet de lames Gillette de rasoir GII.
Recharge de rasoir Gillette GII.

Voilà ce que Gillette souhaite créer. Et c’est chose faite en 1971 quand sort le premier rasoir à deux lames : le Gillette Trac II, plus connu sous le nom GII en Europe (ci-contre). C’est un véritable carton !

Le marketing autour est poussé au maximum : partenariats avec des sportifs de haut niveau, publicités à la télévision… Au delà d’un système de changement de lame ultra simple (le fameux rail, grâce auquel la cartouche se glisse sur le côté), le Gillette GII apporte une nouvelle façon d’attaquer le poil de barbe : la première lame coupe le poil et le soulève, la seconde lame (placée 24 millièmes de centimètres derrière) passe avant qu’il ne retombe pour couper le poil encore plus bas, au plus près de la peau. Le résultat est ainsi plus qualitatif : la peau est « propre » plus longtemps qu’avec un rasage à une lame.

Cette affirmation était-elle vraie ? Difficile à dire. Toujours est-il que les rasoirs GII se sont vendus comme des petits pains, et que le système à plusieurs lames a complètement bouleversé le marché et les usages, éclipsant presque complètement le rasoir de sécurité.

La concurrence aux abois devant le rasoir GII

Certains compétiteurs ont tenté d’appliquer le même principe à une lame de sûreté… J’ai nommé : la « Schick II » de la firme éponyme, et la « Double Edge II » de Personna ! Voilà quelque chose qu’on ne voit pas tous les jours :

Lames à quadruple tranchant Shick et Personna.

Apparues peu après la déferlante GII, c’était une façon créative pour Schick et Personna de tirer profit de la notion « plus de lames, c’est mieux ». Il s’agit essentiellement d’une lame DE (Double Edge) ordinaire sur laquelle vient une lame DE légèrement plus petite, avec une mince entretoise intercalée. Schick annonce qu’elles s’adaptent à tous les rasoirs à double tranchant, mais en réalité la géométrie de la tête peut faire une grande différence pour savoir si la deuxième lame touche ou non votre visage.

Parce qu’il y a deux lames de tailles différentes, il y a deux faces différentes, et il est important que la lame soit placée correctement dans le rasoir. Une fois la lame en place et fléchie, les lames n’ont que peu d’espace entre elles, il n’y a donc aucun moyen pour le savon/les poils de s’écouler comme sur un rasoir à cartouche, donc un rinçage régulier est nécessaire.

Est-ce pour cette raison qu’elles ont fait un flop ? Ou est-ce tout simplement le génie et le pouvoir de Gillette qui a écrasé la concurrence avec son rasoir à deux lames ? Car Gillette n’a pas inventé le multi-lames, le « Mvltiplex » italien ou le « Reguillo » espagnol, bien plus anciens, en témoignent (mais c’est une histoire pour un autre jour). Toujours est-il que l’arrivée du GII a marqué un changement radical dans l’approche du rasage quotidien, et le début de l’ère du multi-lames.

A votre avis, quelle sera la prochaine révolution ? N’hésitez à nous faire part de vos commentaires, et merci de nous avoir lus !

10 Replies to “Naissance du Gillette GII et avènement du rasoir multi-lame”

  1. Dommage que GILLETTE ne produise plus ce modèle « G2″….
    On trouve bien des « ersatz », mais qui sont loin de valoir l’original

  2. Bonne idée cette newsletter.
    Et petite précision sur le GII : il se vend toujours ! les grandes surfaces se doivent de vendre les lames, ef les sites comme Rasage Classique vendent le manche.. C’est probablement l’icône de Gillette qui lui porte bonheur..
    On peut aujourd’hui se poser la question si les 5 lames actuemment sur le marché sont pertinentes ou pas..
    À quand la 6eme !…

  3. Bonjour ,j’ai utilisé le Gilette Techmatic au début des anées 70 . J’en possède 3 dans ma collection , avec les rubans usagés , malheureusement pas de rechange .
    Passionné par l’aventure Apollo ,j’ai vu un documentaire inédit ,où on voit Neil Armstrong se raser avec un Techmatic ,dans le LEM , peu de temps avant l’alunissage . Incroyable , il s’est rasé avant l’exploit . Bon a savoir . On reverra peut être ce documentaire à l’occasion des 50 ans , c’est en Juillet . Ouvrez les yeux et rasez vous de près !
    Roland Diemer

  4. Pour moi qui suis un passionné du rasage classique, la véritable grande invention de Gillette, est le Gillette sensor.
    Il faut oublier le Gillette GII ! En effet, les risques de coupures existaient avec le GII alors qu’ils ont disparus avec le Gillette Sensor.
    Ces lamelles montées sur ressors, rendent le rasage très agréable et sans peur de se couper. Un must !
    Je précise en outre, que les rasoirs Gillette de générations ultérieures (mach 3 et fusion) ont gardé ce système de lamelles montées sur ressors.

  5. EST-CE QU’IL EST ENCORE POSSIBLE DE TROUVER CE TYPE DE RASOIR CAR JE N’UTILISE QUE CEUX-LA?
    MERCI DE VOTRE COMPREHENSION ET DE VOTRE REPONSE RAPIDE

  6. De Belgique , difficile de trouver Gillette bleue extra , les lames qui sont écologiques ,car pas de plastiques jetables, et qui ont fait leurs preuves pour ce qui est un rasage parfait et rapide , merci de continuer de les fabriquer

  7. Bonjour;
    A la suite de la cartouche GII ; gilette à sortie la cartouche GII Plus , seule différence notable la bande lubrastrip , cette bande faite d’un lubrifiant en pate rigide à été mise en avant pour l’apaisement de l’échauffement pendant le rasage. J’avoue avoir eu du mal à m’y faire ; j’avais l’impression que cela inclinait l’orientation des lames et provoquait plus de coupures ; et pendant des années j’ai retirée cette bande de lubrifiant malvenue , puis j’ai abandonné et me suis aperçu que ce n’était qu’une question d’habitude et de prise en main.
    A la suite de quoi , Gilette à abandonné le rail à position fixe en créant lame Gillette Contour Plus ; toujours deux lames , toujours la bande lubrastrip ; mais un manche à clip avec une tête articulé ( pour les contours du visage ).
    Pour la petite histoire ; mon premier manche gilette GII ; m’a servi pendant 30 ans avant de se briser , j’ai hérité d’un second identique et quasi neuf , et je suis fidèle à la forme d’origine !

  8. C’est vrai que l’arrivée du G2 a tout changé, jusqu’au sensor ça allait encore, la cartouche était encore fine mais après gillette s’est embarqué vers toujours plus de technologie avec des cartouches qui sont devenues trop onéreuses et volumineuses. On ne voit même plus ce qu’on rase.

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