Où l’on apprend que l’évolution du rasoir est un long chemin fait de détours, d’expérimentations… et de quelques bizarreries qui font flops.
Dans cet article en deux parties, la Razette explore les flops du rasage. Nous verrons en premier lieu les mauvaises idées qui n’auront pas abouti à grand chose, et dans une seconde partie les bonnes idées mais qui n’ont pas eu de chance, ou qui ne sont pas sorties au bon moment. Vous êtes prêts à découvrir les plus gros fours de l’histoire ? Certains ne sont pas si vieux…
Avant de commencer, il nous parait essentiel de lister tous les types de rasoirs qui, selon nous, sont efficaces et ont fait leurs preuves, et n’ont donc pas besoin d’innovations.
- Le coupe-choux : rien n’est plus efficace ! L’utiliser est certes fastidieux et n’est pas donné à tout le monde, mais quelle durabilité ! Antique et mythique, il n’a pas dit son dernier mot.
- Le rasoir de sûreté : Gillette a sorti un modèle qui, dès 1903, a coché toutes les cases. Facile, efficace, durable, économique…
- Les multilames : le GII a permis d’avoir un multilames efficace ; le Contour incorpore la notion de pivot, les modèles suivant ne feront que peaufiner ces deux points forts.
- L’électrique : ce n’est pas trop notre tasse de thé, mais on peut reconnaître que certains modèles sont efficaces depuis les années 1960, leur succès commercial est indéniable.
Des gadgets inutiles
Qui n’a pas rêvé d’être James Bond ? En tout cas pas les ingénieurs des objets farfelus suivants. Rasoir avec lumière intégrée, rasoir chauffant, lubrifiant, tournant, vibrant… On a tout essayé, pour le meilleur ou pour le pire.
Les techniques et mécaniques
- Pen Shaver : plusieurs marques ont imaginé des rasoirs au format stylo. C’est pratique pour le voyage, mais il ne faut pas se tromper quand on veut noter des choses importantes… Très souvent bas de gamme et fragiles, ils n’auront pas duré longtemps.
- Vibro-shaver : imaginez un gros réveille-matin à l’ancienne. On remonte le mécanisme avec une clé, mais au lieu de donner l’heure, il vibre. Le manche est énorme, et la vibration n’ajoute pas grand chose, il a donc fait un flop.
- Le Whirly : c’est certainement notre préféré. Imaginez un hélicoptère, et bien vous n’êtes vraiment pas loin du Whirly. Le manche comprend un ressort, on le remonte, et quand le rasoir est plein de mousse et de poils de barbe rasés, on appuie sur un bouton et la tête tourne à fond. Grâce à la force centrifuge, les débris sont envoyés partout. Dans toute la salle de bain. Le rasoir est propre, mais c’est tout le reste qui est sale…

Lumière oui, mais pas à tous les étages
Il a existé de nombreux rasoirs incorporant une lumière. On doit bien sûr garder à l’esprit qu’à l’époque, tout le monde n’avait pas l’électricité. Donc si l’on voulait se raser le matin, et qu’il faisait nuit, on n’y voyait goutte. Et bien goutte que goutte, on pouvait se raser grâce aux rasoirs lumineux ! A l’époque, il fallait une très grosse pile pour les faire fonctionner, les manches étaient donc assez massifs. Ils n’ont pas duré longtemps, la demande pour des rasoirs lumineux ne devait pas être si grande que ça. Après tout, si les gens étaient trop pauvres pour avoir de la lumière, ils étaient trop pauvres pour se payer des piles ou même un tel rasoir ! On peut citer les marques Razorlite, Lumirase, Eveready, Allbright, Beau Brummel, Lumi Shave…

Flops modernes expérimentaux
Parfois, trop c’est trop. Trop de lames, trop cher, trop dangereux… Il y a beaucoup de cas dans les rasoirs anciens, mais les produits modernes continuent tout de même de tenter.
- Le rasoir laser Skarp (Kickstarter, 2015) : Promettant un rasage sans lame grâce à un faisceau laser, ce projet a levé des millions… avant d’être suspendu pour cause de technologie inexistante.
- Le rasoir à aspiration (années 2010) : Quelques marques ont tenté d’ajouter un mini-aspirateur à leurs rasoirs électriques pour capturer les poils coupés. Bruyant, inefficace et tombé dans l’oubli.
- Les rasoirs « cryogéniques » : Des startups ont tenté d’exploiter l’idée du froid pour resserrer la peau et réduire l’irritation après le rasage. Résultat ? Gimmick inutile qui ne changeait pas grand-chose.
- Dorco Pace 7 : Premier rasoir à 7 lames au monde. Trop de lames entraînant plus d’irritation et un rasage inconfortable, prouvant que la course au nombre de lames atteint vite ses limites.
- Nivea Men Active3 : Un produit 3-en-1 servant à la fois de gel douche, de shampooing et de mousse à raser. Résultat : il ne faisait rien correctement, la mousse était trop fine pour un bon rasage, et l’odeur était jugée trop forte par les utilisateurs.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Toujours plus, toujours plus…
Flops du luxe et du marketing exagéré
- Le rasoir Gillette Venus Platinum (2018) : Une version « premium » des rasoirs jetables féminins, vendue beaucoup plus cher alors qu’elle offrait peu d’innovation. Les consommatrices n’ont pas été dupes.
- Panasonic ES-LV95-S : Un rasoir électrique avec 5 lames et un moteur ultra-rapide… qui coûtait une fortune (plus de 300 $) et n’apportait pas un rasage beaucoup plus performant qu’un modèle classique.
- Le rasoir Zafirro en saphir (2011) : Une lame en saphir censée durer toute une vie, vendue à plus de 100 000 $. Techniquement impressionnant, mais inutile dans un marché où la praticité prime tout de même sur l’ultra-luxe. En 2016, ils ont tenté de lancer une version à 199 $, mais la campagne de financement n’a pas pris.
Ni chaud ni froid
Vous appréciez plutôt le chaud d’une serviette de barbier, ou le froid polaire qui rafraichit et revigore dès le matin ? Les produits suivants n’ont fait ni chaud ni froid à leur public :
- Gillette Labs : Ce rasoir chauffant promettait une expérience de rasage plus confortable en imitant la sensation d’une serviette chaude. À 200 $, il n’a convaincu presque personne, et beaucoup le considèrent comme un gadget inutile. On peut passer son jetable à 1,50 € sous un filet d’eau chaude et avoir le même résultat…
- Gravin Heat Shaver : Dans les années 1950, ce rasoir de sûreté électrique chauffait. La notice était simple : « Branchez le une minute, si c’est trop chaud débranchez ». Ca avait l’air très sûr…
- Philips Cool Skin : Un rasoir électrique avec un système intégré de gel hydratant. Très cher, et les cartouches de gel coûtaient une fortune à remplacer.
- Barbasol Arctic Chill Shaving Cream : Une crème de rasage avec un effet « glacé » censé réduire l’irritation. En réalité, la sensation était désagréable pour beaucoup d’utilisateurs, et l’effet rafraîchissant ne durait que quelques secondes.

Avec accessoires, ou pliants
Voici quelques rasoirs qui ont voulu être pratique, mais dont la production n’a pas été à la hauteur.
- Rasoirs avec stick hémostatique dans le manche : Plusieurs marques ont pensé à intégrer un stick hémostatique (de la pierre d’alun) dans le manche de leurs rasoir. On compte parmi elles Erwil-luxus, Pacific, Indiana, Barbett et Stypti-razor (que nous avions présenté dans notre article sur les pierres d’alun). Le Pacific est à mettre en avant, comme flop : un stick dans le manche, des barres de garde asymétriques, colorées pour savoir laquelle est laquelle, et une tête sur ressort pour épouser les contours. Un vrai couteau Suisse !
- Rasoirs avec réserve de lames dans le manche : Le Berkeley Custom Shaver était un rasoir réglable en plastique et métal chromé, le manche énorme pouvait accueillir deux boites de lames. Wilkinson plus récemment proposait un modèle multilames avec un manche énorme, qui pouvait contenir trois cartouches de rechange.
- Se faire tout petit : Il y a eu de nombreux modèles de voyage, globalement avec des manches en deux parties, mais certains voulaient faire encore plus. Erwil et d’autres ont essayé une tête qui se range dans le manche, mais bien souvent la qualité n’était pas au rendez-vous, alors les clients non plus. Travalong proposait un modèle extrêmement plat, mais son look d’allumette n’a pas dû plaire à suffisamment de monde.
- Blaireau auto-moussant : Gillette n’a pas fait que des réussites. Dans les années 1980, Gillette sort le « Brush Plus, un blaireau dans le manque duquel on clipsait des cartouches de mousse à raser, le blaireau devenant un applicateur immédiat. Un flop total, on en trouve encore facilement qui n’ont jamais servi sur les sites d’occasion.

Flops dus au design
Souvent les idées sont bonnes, mais l’ingénieur n’a pas parlé avec l’équipe marketing, ou vice versa. On se retrouve alors avec des bizarreries. Pour le plus grand plaisir des collectionneurs de rasoirs farfelus !
Ca s’use trop vite !
Les rasoirs suivant ont fait un flop car leur design ne prenait pas en compte les matériaux utilisés. Ils n’avaient pas le recul nécessaire, ou peut-être le budget pour que leurs idées fonctionnent sur le long terme.
- Famex « Cage » : son surnom le décrit bien, la plaque de garde est une sorte de cage en métal spécial. Comme un ressort, si on appuie dessus il reprend ensuite sa forme initiale. En vissant le manche, on tire la vis du capot et on écrase la cage, ce qui permettait d’obtenir des angles de coupe différent, ce rasoir était donc réglable. Problème, on serrait si fort sur la vis, on tordait le capot, car il était réalisé dans un métal de moins bonne qualité… Le rasoir n’a donc pas connu le succès escompté.
- Le Coq Licence Gastal : un design très particulier, sans vis. Un levier permettait de bloquer la tête du rasoir. Très astucieux, sauf que le levier subissait des frottements forts à chaque ouverture et fermeture, ce qui l’usaient, le rendant inutilisable. D’autres rasoirs à friction comme le Dixi, le Cliquet ou le Just ont rencontré le même souci.
- Eureka : pas cher à produire (le capot et la garde sont réalisés dans une seule plaque !), il ne nécessitait pas de manche. Mais la prise en main n’était pas bonne, et le métal utilisait le rendait inconfortable… Au suivant !
- Figaro / Barbier de Seville : conçu pour se ranger bien à plat, les concepteurs ont utilisés des matériaux très fins. Résultat, le rasoir est une horreur à utiliser, que ce soit pour trouver le bon angle ou pour trouver du confort.

Des designs dignes de films d’horreur
Les rasoirs et lames de rasoirs sont souvent utilisés dans l’imagerie de l’horreur. Nous verrons dans cette liste qu’il n’y a pas à chercher bien loin…
- Electromaton : on ne sait pas par où commencer. Ce rasoir était fourni avec tout un tas d’accessoires à visser sur le manche. Tête de rasoir droite, tête incurvée, brosse à dent… Et bien sûr le manche se branchait sur secteur pour le faire vibrer. On avait aussi quelques têtes de massage… Trop, c’est trop !
- Electro-Shave, Siemens, Elrazor… ou plutôt Hellraiser, un rasoir électrique qui fait peur !
- Edla : Très joli, très artistique, mais il fait peur. Très peu de protection, des ressorts pour bouger la lame forgée, beaucoup de métal ajouré… Breveté en 1926, sa lame forgée était dépassée. Malgré un design magnifique et des publicités réussies, c’était trop tard.
- Caldwell : le rasoir peigne… oui le manche entier est un peigne. Ca ne devait pas être agréable en main ! Et que dire du Shav-rite, dont les peignes se rejoignaient comme des ciseaux ?
- Rolokut, Gilto, Allen, Gilto… sont des marques de coupe-cheveux. Et pour couper toutes les longueurs de cheveux, il faut des peignes. Et ces rasoirs n’en manquent pas ! Leurs grandes dents ne donnent vraiment pas envie d’essayer.
- SM1 Rasierapparat : un rasoir d’épouvantail, sa tête ressemble plus à un outil pour ramasser le foin qu’à un rasoir !
- Scimitar : la publicité vantait « il coupe la barbe, pas le visage ! ». Sauf qu’avec un nom et surtout un look pareil, on pouvait se permettre d’en douter.
- Yale : il ressemblait à une scie japonaise !
- Rio, TGM : ces rasoirs ont essayé des ressorts à la place de garde. Déjà qu’un peigne ouvert peut faire peur, alors un ressort ! En parlant de ressort, le Monoflex était un rasoir entièrement constitué d’un ressort. Tellement bizarre qu’on ne reconnait même pas que c’est un rasoir !
- Rasoirs à rouleaux : Roller-guard, Welshava, Vir Rotor… Wilkinson en a proposé également ! Même principe que les rasoirs à ressort : ici les barre de garde sont remplacées par des rouleaux. Pas besoin de glisser si on peut rouler, me direz-vous. Oui, mais si ça emmène la peau et emmêle les poils avec, non merci !
- Tura / Rasolett / Copula, Charm : on dit que deux têtes valent mieux qu’une… mais il ne devait pas en y avoir beaucoup pour concevoir ces aberrations. Le principe d’avoir deux têtes de rasoir : on rase dans un sens avec la première tête, et on rase dans l’autre sens avec l’autre !
- Les rasoirs à ruban : Wanie, Six, Reel-shave, Gillette Techmatic, ces marques ont remplacé la lame plate par un ruban d’acier (imaginez une lame de sureté qui ferait 40 cm de long). En déroulant le ruban, on passe au tranchant suivant. Le principe est ingénieux, mais il était compliqué de bien tendre l’acier de la lame pour un rasage confortable. Ce sont donc des flops !
Ci après, une petite galerie des loufoqueries :




















Les rasoirs Playstation
Non, Playstation n’a pas fait de jeu de rasage… Mais les fameux rond, carré, triangle et croix de leur manette iconique peuvent se retrouver dans d’anciens rasoirs qui ont fait des flops. Ils ont essayé toutes les formes de lames :
- Rond : Collins, Shermac et d’autres ont proposé une lame ronde. Plutôt dédiées aux aisselles, leur carrière n’aura pas été longue. Notamment le Collins à remontoir : la lame tournait sur elle-même pour améliorer la coupe ! Aïe aïe aïe, autant utiliser une trancheuse à pain…
- Carré : Severino proposait une lame souple, carrée. On utilisait que deux côtés à la fois, et on la tournait d’un quart de tour pour utiliser les deux autres.
- Croix : Le raasoir Croce Di Malta reprend l’idée de lame carrée, mais en coupant des fentes en croix, pour pouvoir ainsi utiliser les quatre côtés quand on voulait.
- Triangle : Tri-Plex, Adonis, Trias… plusieurs marques ont essayé, mais aucune n’a duré !
- 7 côtés : Mann et sa lame « Fourteen in 1 », un rasoir semainier ! La lame avait sept tranchants (la tête du rasoir était énorme). On utilisait un seul à la fois, et on changeait chaque matin. A la fin de la semaine, on retournait la lame pour utiliser les sept mêmes tranchants mais à l’envers. Quel boulot !

Tous ces rasoirs n’ont pas réussi à percer pour les mêmes raisons : les lames propriétaires sont rarement une bonne idée. Donc si on couple cette mauvaise idée avec des designs qui font peur, ou qui sortent trop de l’ordinaire, c’est le flop assuré !
Avec affileur intégré
Les rasoirs suivants ont incorporé un gadget similaire : l’affûteur. En soit, l’idée était louable, quand les lames épaisses et non revêtues pour être réaffûtées pour gagner en longévité. Malheureusement, c’était un peu trop complexe pour la plupart des utilisateurs.
- Compax : tout mimi avec son mini manche télescopique, on plantait la tête dans un repasseur de lame.
- Ronson : une usine à gaz, avec un look art-déco fulgurant. On pouvait retourner et pivoter la lame, pour affûter les deux faces des deux tranchants sur le rouleau à l’arrière de la tête du rasoir. Une merveille, mais qui n’a pas trouvé son public.
- Challenger : l’évolution du Ronson, devenu réglable.
- Shake Sharp, DeHaven : dans la tête du rasoir, une pierre. On abaisse un levier, le bas de la tête est plus lâche, et on secoue le rasoir d’avant en arrière. Ainsi, la lame passe et repasse sur la pierre de la tête et se fait réaffuter sans avoir quitté le rasoir.
- Strivel : ce rasoir suédois incorporait un mécanisme dans le manche et dans la tête pour affûter les lames. Une fois la lame en place, on pompe avec le manche, et la lame est affûtée… très bizarre !

Un rasoir… foireux ?
Un dernier pour la route ? Le Gas Shaver ! Vous l’aurez compris, il fonctionne au gaz. Mais pas le gaz de ville, non. On le « branche » là où le soleil ne brille pas, grâce à l’embout au caoutchouc profilé, et c’est parti. Oui, il s’agit bien d’une blague, et non d’un vrai rasoir. Certaines boites promettait en nouveauté du « fuel de rechange », en ouvrant la boîte on découvre des haricots… Ces rasoirs gadgets étaient offerts comme farce et attrape dans les années 1950, aux USA. Certains étaient surnommés « Brownie », le petit marron. L’humour n’avait aucune limite !

Cet article était sur le ton de la blague, mais nous sommes tout de même conscients et admiratifs au vu de tous ces flops. Ils démontrent tous la formidable créativité de leurs ingénieurs. Voyons même plus loin : certaines de ces innovations étaient de vraies bonnes idées, ou partaient d’une bonne base. Ca sera le sujet de la deuxième partie de cet article : les visionnaires !
Que d’évolution depuis Rahan et son coutelas en ivoire !
Merci pour cet article très intéressant et instructif !
Toutes ces « innovations » partaient certainement d’un bon sentiment !… mais l’on peut se demander s’ils faisaient des essais avant de les lancer sur le marché…
Dans un autre registre, à ses collaborateurs qui lui disaient : « Eh Walt, j’ai une super idée ! », Walt Disney leur répondait : « Non, pour l’instant, tu as une idée ! »
Bien cordialement !
En un mot : Bravo !
Je lis vos contributions toujours avec plaisir, mais mêmes si certains des rasoirs sont peut-être un peu particuliers, je ne qualifierais pas de « Flops ». Par example le Berkeley Custom Shaver ou le Shake Sharp sont des rasoirs très agréables