Où l’on se poile entre blaireaux.
C’est une évidence, quand on pratique un métier qui touche à la barbe, aux poils ou aux cheveux et le rasage en général, on entend souvent les mêmes jeux de mots. « Ah quel blaireau, tu dois raser les murs, ça doit être rasoir… ». Dans le sens du poil, ils permettent une bonne poilade, il faut le reconnaître. Poilade ? Tiens, encore un mot tiré par les cheveux. Vous l’aurez compris, La Razette s’est intéressée aux marques anciennes qui ont joué avec les mots. J’espère que vous êtes prêts, on va se poiler.
Nous l’avions rapidement évoqué dans ce précédent article, les fabricants de rasoirs, lames et autres accessoires ont toujours aimé les jeux de mots. Ceux-ci peuvent avoir plusieurs formes, plusieurs thèmes, et nous avons sélectionné quelques marques qui ne sont peut-être pas exactement des jeux de mots, mais tout de même amusantes. Toutes les marques que nous citons dans cet article ont réellement existé, il s’agissait principalement de marques de rasoirs ou de lames.
Restons simple
Commençons doucement, et appelons un chat un chat. Voici quelques marques qui disent clairement ce que l’objet fait, ou qui rappelle simplement l’effet ou le moment où l’on se rase. Le Matin, Rasoir de Sûreté, Simplex, Simplo, Standard, Le Stoïque, Ayez Confiance, Essayez-Moi, Kiraz, Kiplai, Vib’Raz (qui vibre et qui rase), Belface, Vrai Velours, Le Veloutin, Kleen, Razzia, Blade, Caresse, Skyfo.
Parmi les rasoirs droits on retrouve également quelques jeux de mots intéressants. La marque Sam-Su-Fit est ainsi en première place des bons jeux de mots. Plus imagées, les marques Le Grelot et Chanteclair évoquent le son d’une lame sonnante, à une époque où les techniques de fabrication permettaient des lames de plus en plus fines. Enfin, le mot coupe-choux est en un sens un jeu de mot lui aussi, puisqu’on ne coupe pas réellement des choux avec…
Meilleur, tu meurs
Toujours au top
Le thème que l’on retrouve le plus souvent, ou qui a inspiré le plus de fabricants, est bien celui des superlatifs. Nous y incluons également les noms de Dieux ou de monarques. L’As des As, All right, Rasemieux, Indévissable, Irréprochable, Jupiter, Perfect, Rex, Sanpeur, Sans Rival, Souverain, Perfecta, Ultimo, Yaksa, Le Fameux, L’excellent, Superlam, Terminus, Unic, Le Parfait, Le Supreme, Le Messidor, Sans Egal, Sans Pareil, Le Meilleur, Outsider, Scientifique (-c), Veni Vidi Vici, Laurel, Altesse, Aristocrat, César, L’essor, Eclipse (les autres), Knockout…
Toujours plus tranchant
Un rasoir, ou une lame, il faut que ça coupe. C’est de l’efficace qu’il nous faut ! Alors voici une liste de marques mettant en avant tout ce qui tranche : Durandal, Figaro (le barbier de Séville), Spartacus, Gladiateur, L’Exterminateur, Faucheur, Rasoir Guillotine, Diabolo, Trempe Infernale, lame du Diable…
Toujours plus vite
Comme ces marques traversaient une époque où l’un des arguments forts étaient d’aller plus vite (se raser au rasoir droit prenait du temps), les marques ayant pour thème la vitesse ont été nombreuses. Vitès, The Fast, File-Vite, Galop, Sprinter, Rasoir Eclair, Raz-Vite…
Anagrammes
Une autre façon de jouer avec les mots est de bidouiller un nom propre (un nom d’artisan ou d’une ville) pour donner un tout autre sens. Par exemple, à Thiers, certains fabricants en ont eu marre de la concurrence allemande, à une époque ou la « qualité allemande » primait. Ce qui frustrait d’autant plus ces fabricants français, c’était que la fabrication de certains de ces rasoirs allemands était sous-traitée en France ! En 1943 Gaston Dézulier, fabricant de rasoirs, a donc eu l’idée d’une nouvelle marque, « Sreiht », pour concurrencer les allemands. Vous avez remarqué ? Sreiht sonne allemand, oui, mais ce sont les lettres de « Thiers » inversées… on appelle ceci un anacyclique, un cas particulier d’anagramme. Malins, nos anciens ! Un autre anacyclique est Emolzod, une marque déposée par le fabricant de rasoirs Dozolme.
La mode et la nouveauté
C’est bien connu, si c’est à la mode, c’est que c’est bien. Et si c’est Parisien c’est forcément à la mode. Et si on parle anglais alors là… Voici une liste de noms de marques à la pointe : The Fashion, The Latest Novelty, Parisien, Parisiana, Paris élégant, Up To Date, High Life, My Dear, My Friend, Le Citadin, Elegance, L’enfant de Paris…
On ne dirait pas comme ça mais certains noms s’inspiraient de l’innovation. Par exemple, Vice-Versa joue sur le fait que le rasoir est à double tranchant, à une époque ou le simple tranchant (et bien sur le coupe-choux) sont encore bien ancrés dans les moeurs. Il doit dater d’environ 1920.
Copies, hommages et contrefaçons
Une marque sans gêne
Il est parfois difficile de lutter contre la concurrence. Alors on se rapproche des recettes qui marchent, et on modifie un ou deux éléments. L’astuce est de s’en éloigner suffisamment, au risque de tomber dans la contrefaçon. Quand c’est bien fait, on peut considérer ça un hommage, ou une inspiration. Les marques Yvett, Flèche, Skyfo ont réutilisé la flèche qui traverse le logo Gillette. La marque Eclipse (et bien d’autres) reprenait le logo dans un diamant et les mentions « marque déposée » disposées de la même façon autour de celui-ci. Et puis il y a ceux qui n’ont aucune finesse. Que pense-t-on de cette marque « Genette » ? Pas gênée, non ?
Approche contraire
Parfois, les marques assument complètement d’arriver trop tard dans la course à qui sera le meilleur. Ainsi, le rasoir « Le Pareil » a une promesse claire, pas besoin d’acheter le Gillette alors que celui-ci est certainement tout aussi bien. La marques « Sans-Pareil » voulait vraiment dire que leur modèle était unique au monde. Mais « Le Pareil », non. Non non, vous verrez, c’est pareil. Après tout, pourquoi pas ? Un autre exemple qui nous amuse beaucoup : le rasoir « Le Rival » annonce clairement la couleur, il est là pour le combat. Le choix du coq est donc très approprié ! Sauf qu’à l’époque il n’y avait pas que Gillette, une des marques les plus vendues en France s’appelait justement Le Coq… ce qui est un peu suicidaire, vous en conviendrez. Oui bon, le coq n’est pas forcément l’animal le plus futé de la basse-cour, non plus.
Et vous, connaissez-vous des marques que nous n’avons pas citées ? Nous espérons que cet article vous aura amusé. N’hésitez pas à nous envoyer des photos si vous possédez des objets qui sont cités ici ou d’autres que nous ne connaissons pas !
Des articles toujours extrêmement complets et captivants, félicitations !
J’aime bien décidément vos recherches sur les à-côtés du métier. Dans la catégorie des dénominations amusantes, je citerai – c’est un peu loin de notre sujet – le shampooing Kicoif’, qui se vendait en Côte d’Ivoire il y a plus de cinquante ans et quand on sait comment les cheveux crépus se coiffent… C’était bien avant la mode des dreadlocks – qui ont besoin de shampooing aussi, autre débat… Quant à la place du coq comme animal totem (sans doute?) je cite toujours avec un certain plaisir cette marque de Marsala – on n’est plus du tout dans le domaine du rasage – ce délicieux apéritif italien dont la version « à l’œuf » arbore royalement un coq sur l’étiquette!
Toujours content de vous lire, continuez!
Breton